Localisation : Une Nécessité en Temps d’Incertitude
- Milton Funes
- 4 oct.
- 3 min de lecture
Dans un monde où les crises humanitaires — qu’elles soient d’origine naturelle ou liées aux conflits — deviennent de plus en plus complexes et où les fonds destinés au développement se font rares, la « localisation » a cessé d’être une simple bonne intention pour devenir une nécessité impérative pour l’avenir de l’aide et de la coopération internationales. Son principe directeur est à la fois simple et profond : rendre l’action humanitaire et les initiatives de développement « aussi locales et aussi intentionnelles que possible ». Cette approche, promue depuis plusieurs années, cherche à redéfinir les dynamiques de pouvoir en favorisant des partenariats plus équitables, en assurant l’inclusion effective des acteurs locaux dans la prise de décision, en investissant dans le renforcement de leurs capacités institutionnelles et, surtout, en augmentant leur accès direct aux financements. L’objectif de la localisation est d’obtenir une réponse de meilleure qualité, plus durable et à plus fort impact, tout en reconnaissant les atouts uniques de ceux qui sont présents en permanence sur le terrain.
L’élan vers ce changement systémique a été initié principalement par les acteurs locaux et nationaux eux-mêmes (ONG et organisations de la société civile), qui, depuis des décennies, remettent en question les inégalités du système et plaident sans relâche pour un changement. Ces efforts, conjugués à ceux d’acteurs progressistes au sein des ONG internationales, des agences des Nations unies et des bailleurs de fonds, ont abouti au Grand Bargain de 2016, par lequel la communauté internationale s’est engagée officiellement en faveur de l’agenda de la localisation. Malgré ces engagements, la stratégie se heurte à un paradoxe financier. L’objectif de canaliser 25 % des financements humanitaires directement vers les acteurs locaux est encore loin d’être atteint : en 2020, ce chiffre ne dépassait guère 3,1 %. Ce manque de financement direct et de qualité constitue l’un des obstacles pratiques les plus importants, car il limite la capacité des ONG et OSC locales à assumer des rôles de leadership et de coordination. Pourtant, c’est précisément dans ce contexte de ressources limitées et d’écart croissant entre les besoins humanitaires et les fonds disponibles — un déficit supérieur à 15 milliards de dollars — que la localisation devient une nécessité stratégique urgente.
Malgré les défis, des signes de progrès sont visibles. La présence d’acteurs locaux dans les mécanismes de coordination humanitaire s’est progressivement renforcée ces dernières années. De plus en plus d’organisations locales siègent désormais dans les Humanitarian Country Teams (HCT) et participent à la coordination de groupes thématiques, servant souvent de « projets pilotes » incitant d’autres à suivre leur exemple.
Dans un contexte mondial marqué par la diminution des fonds et la multiplication des crises, on pourrait se demander si nous pouvons nous permettre de poursuivre cette approche. La vraie question est plutôt : pouvons-nous nous permettre de ne pas le faire ? Le renforcement des capacités locales n’est pas seulement une stratégie intelligente ; c’est une nécessité. Les acteurs locaux garantissent non seulement une réponse plus rapide, plus adaptée culturellement et un meilleur accès aux communautés affectées, mais ils sont également plus rentables. Dans un environnement d’austérité, investir dans ceux qui sont déjà en première ligne, qui connaissent le contexte et qui resteront bien après que l’attention internationale se soit détournée, n’est pas une dépense : c’est le meilleur investissement que nous puissions faire. Financer, renforcer et faire confiance aux acteurs locaux, c’est investir dans un avenir où les réponses seront plus justes, plus efficaces et plus durables.



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